"Bon sang Izobel, lève le nez de tes bouquin et viens nous aider... C'est pas possible ça quand même ! " J'entendais ma mère pester contre moi hors de la caravane. Elle avait parfois du mal à supporter mon choix de devenir chirurgienne, plutôt que de rêver d'une vie simple comme la sienne me répétait-elle sans cesse. Une vie simple ? Une vie de misère ouai... On était là à vivre dans une caravane, qui rêverait de ça pour son enfant à part ma mère, je ne connaissais personne.  Ma vie était un bordel dont j'allais me sortir... et vite !

" Aaaaaaarh Alex t'es insupportables... Donne-moi un cupcakes et laisse moi tranquille ! " Je le regardais avec sa tête grincheuse, et lui fis un signe pour qu'il vienne s'asseoir à mes côtés. Nous étions là dans notre couloir désert comme d'habitude. C'était l'endroit où l'on aimait tous se retrouver pour manger un morceau, se raconter les derniers potins ou venir se plaindre de nos supérieurs et des patients insupportables. Nous étions comme une famille les uns avec les autres. Certains étaient détestables ( mais toujours moins que mon vieil oncle Burt ), d'autres étaient des bosseurs sans répit qui se la jouaient toujours supérieures aux autres et pour finir il y avait ceux qui jouaient les gros durs mais qui dans le fond étaient touchant. Alex faisait sans doute partie d'une catégorie à part. Il avait sa catégorie à lui. Il était le genre d'homme touchant en présence d'enfant, qui faisait craquer n'importe quelle femme. Il était aussi le genre insupportable, hautain et grincheux qui donnait à tout ceux qui croisait sa route envie de le tuer, ne serait-ce que le temps d'un instant. Un jour, je l'aimais bien. Un jour, je le détestais. C'était un bon résumé de notre relation, je crois. Je l'aimais autant que je le détestais. On se supportait depuis nos débuts de résident à Aiden et j’espérais bien garder cette tête brûlée avec nous jusqu’à la fin.

" Isobel Katherine Stevens que tu es belle mon dieu... Je me dis parfois qu'on me laisse la chance de vivre un peu plus longtemps juste pour pouvoir t'admirer un peu plus. " Denny me regardait comme personne ne l'avait jamais fait jusqu'à présent. Il me donnait l'impression d'être importante et de compter pour quelqu'un. Pourquoi avait-il fallu qu'il soit malade ? Pourquoi avait-il fallu qu'il soit un patient, un de mes patients ? Pourquoi ma route avait croisé la sienne ? J'avais beau ne pas avoir les réponses à ses questions, sa présence me rassurait et me poussait à imaginer un avenir possible pour nous parfois. Je le regardais en ricanant comme une adolescente. Je m'assis sur le lit à ses côtés, posant ma tête sur son épaule. " C'est les médicaments, qui te font dire n'importe quoi Denny Duquette... Repose-toi. " Mes larmes coulaient comme un signe de mauvais présage. J'avais peur. J'étais terrorisé à l'idée qu'il puisse me quitter, mais pleine d'espoir au moindre progrès de ses résultats. J'avais trouvé l'homme qui saurait me rendre heureuse, je le savais.

" Izzie, c'est moi... Dis-moi que t'es vivante ? Je m'inquiète... Izzie ouvre cette porte, je t'en prie ! Ça fait deux jours que tu es là... Izzie. " J'étais allongée par terre dans une salle de bains depuis deux jours. Tour à tour, j'avais entendu chacun des habitants de cette maison râler contre moi de la monopoliser et j'entendais alors Mérédith prendre ma défense en leur répétant : " Laissez-la... Il ne faut pas la brusquer. Elle a besoin de temps... " Je n'ai pas besoin de temps, j'ai besoin de lui, j'ai besoin de Denny avais-je envie de lui hurler. Même cela m'était impossible. Les yeux rivés sur le plafond blanc, j'essayais de réaliser qu'il était parti. Denny était mort. Un sanglot vint briser le silence qui régnait désormais. Réaliser cette réalité m'étais insupportable. Mérédith inquiète tambourina de plus belle sur la porte me suppliant de la laisser rentrer. Je lui ouvris la porte, abdiquant à ma solitude. Elle s'allongea près de moi et se mit à regarder le plafond à son tour et vint m'embrasser le front tout en respectant mon silence.

"Voilà... Bienvenue dans le dispensaire Denny Duquette. " Un an et demi était passé depuis la mort de Denny. Je m'étais retrouvée héritière d'une fortune de plusieurs millions du jour au lendemain alors j'avais décidé d'ouvrir un dispensaire avec l'aide de Bailey. Je savais que c'est ce qu'il aurait voulu. Denny aurait été fier que cet établissement porte son nom, je suis sûr de ça. Il aurait même rigolé en disant que finalement ce qui lui est arrivé était un mal pour un bien. Mes larmes montèrent. Il me manquait. J'étais devant l'hôpital, mes larmes coulaient. Je réalisais un an et demi plus tard que petit à petit, j'étais en train d'oublier sa voix. Le manque à présent n'était plus omniprésent. Je m'en voulais de ça. J'avais l'impression de le perdre une seconde fois. Je sentis des mains se poser sur mes épaules et je vis Alex essuyer mes larmes et me dire gentiment : " Il serait fier du choix que tu as fait... Mais je sais qu'un homme comme lui ne voudrait pas voir ces larmes-là Mlle Stevens, alors allez au boulot ! Tes patients t'attendent... " Alex avait été d'une aide remarquable. Il ne m'avait jamais me laisser m'apitoyer sur mon sort pendant tout ce temps et avait toujours tout fait pour que je retourne au travail. Je crois même qu'il m'aimait bien parfois...

" C'est mon bipeur... J'ai une urgence. Bon, je dois y aller, mais on remet ça quand tu veux." Alex m'embrassa en se rhabillant pendant que moi j'étais encore à moitié nue. Il partit en vitesse en claquant derrière lui la porte de l'une des chambres de l'hôpital. Je couchais désormais régulièrement avec lui. On s'attirait comme deux aimants lui et moi, c'était un fait qu'on ne pouvait pas nier. Il m'énervait tellement souvent dans les couloirs, mais je l'aimais vraiment beaucoup nu dans mon lit que j'acceptais son arrogance. Je l'aimais bien tout court, je crois même. Le soir même alors que je sirotais un verre avec Yang et Grey, je sentis des mains m'attraper par la taille, me faire basculer en arrière et m'embrasser fougueusement. C'était Alex. Finalement, lui et moi, nous n'étions peut-être plus que deux amis qui couchaient ensemble...

" Je suis désolée Mlle Stevens... Les masses sur le scanner sont bien des cellules cancéreuse. Toutefois aujourd'hui les solutions de guérisons sont nombreuses. " Le verdict venait de tomber. Mes malaises n'avaient rien de bénin. Mon corps était en train de se détruire de l'intérieur. Je sentis la main d'Alex serrer la mienne comme pour me dire : " Je suis là... On affrontera ce foutue cancer ensemble. " Cela faisait maintenant un an que lui et moi étions ensemble. Il n'était plus le même homme que j'avais rencontré. Il était doux et prévenant. Son caractère fort parfois me rendait dingue, mais j'étais tombé amoureuse pour la seconde fois. Il me faisait revivre de nouveau. Le savoir à mes côtés pour cette nouvelle épreuve me rassurait, je lui souris et l'embrassai sur le coin des lèvres. Une nouvelle fois, la vie narguait mon bonheur naissant en m'apportant cette maladie qui allait tout détruire. Devant ce chirurgien qui venait de briser ma vie et cet homme qui l'avait sauvé, je me mis à pleurer tête baissée.

" On est mari et femme... Isobel Katherine Karev. Que ça sonne bien. " Alex me soufflait ces derniers mots avant de m'embrasser et de s'endormir. Cela faisait une semaine que nous nous étions mariés. De la pure folie. Le cancer étant de plus en plus virulent me poussait à croire que la fin était proche je crois. Le jusqu'à la mort vous sépare ne m'effrayait pas vu la date imminente de celle-ci. Je cauchemardais chaque nuit depuis notre mariage. Imaginant Alex à mon enterrement. Comment avais-je pu être si égoïste et avoir accepter de le laisser se marier avec une femme quasi-morte ? J'aurais bien accusé les médicaments de ma folie, mais la seule fautive : c'était moi. Moi et mes envies de gamines d'avancer vers l'autel en robe blanche avec l'homme que j'aime. J'avais été égoïste et me détestais d'un côté quand de l'autre, j'étais plus heureuse et comblée que jamais je ne l'avais été. Le retour en arrière n'était plus possible de toute façon alors je n'avais plus le choix : je devais vivre !

" Signe ces papiers et chacun sera libre après... " Je regardais Alex et lui tendais les papiers du divorce. Je le brisais autant que je me brisais, je crois. Mon cancer s'était envolé. J'avais guéri par on ne sait quel miracle. Des tensions étaient apparues entre nous depuis. Alex ne voulait plus me toucher, il avait peur de tout à présent. Je l'avais rendu complètement parano et la seule fautive une nouvelle fois c'était moi ! Pendant que lui était mon paradis, j'étais devenue son enfer... Je le sentais à chacun de ses regards inquiets sur moi. Il ne méritait pas la vie que je lui offrais. Sa demande en mariage était sûrement due à ma maladie et mon état. À présent, il n'y avait plus de raisons d'être. Nos sentiments avaient été trompés par la situation. Je devais lui rendre sa liberté. Une seule signature manquait sur ces papiers de divorce et nous formerions de nouveaux deux et plus un.

" Qu'est-ce que tu fous ici ? Va le retrouver... Dis-lui que c'est lui l'homme de ta vie. Au lieu de rester serveuse dans un bar. En deux ans Isobel, je ne t'ai jamais vu sourire et les seules fois où c'est le cas, c'est quand tu me parles de cet homme. Retourne à Aiden retrouver l'homme que tu aimes ! On a qu'une vie... T'es la mieux placée pour le savoir non ? " Ma collègue avait raison, je devais quitter cette ville et ce bar miteux pour retrouver l'homme que j'aimais et la chirurgie. Chaque jour qui passait, je pleurais mes erreurs une fois la nuit tombée. Je ne pouvais plus continuer cette vie, j'allais désormais retourner à Aiden et récupérer Alex !

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